terça-feira, 7 de dezembro de 2010

Au-delà de la mémoire - Réflexions désorganisés sur la mémoire chez Sebald


W. G. Sebald a fini son dernier livre (le dernier publié en vie) avec une histoire du narrateur à propos du livre qu’il lisait, un livre que le protagoniste, Austerlitz (aussi le titre du livre) lui avait donné à la première rencontre des deux. Le livre en question est un essai de reconstruction du passé d’un ancien rabine lituanien. Mais l’auteur de ce livre, au milieu de toutes ces pérégrinations, ne trouve rien, ni mémoire, ni registre ; il n’a trouvé que des traces de destruction qui ont tout rasé. Si avant il avait quelque chose là-bas, on ne peut plus le savoir.

Austerlitz raconte, à travers d’une de ses connaissances (le narrateur), la recherche de Jacques Austerlitz, un historien de l’architecture, pour comprend l’inquetation qui le hante tout au long de sa vie; l’impression constante d’un exil, le sentiment de non appartenance partout. D’abord prises par des visions brutes et des délires qui l’affligent régulièrement, Austerlitz trouve son madeleine pendant une visite nocturne à une ancienne gare anglaise. Dans un lieu habituellement fréquenté par d’autres personnes perdues dans la nuit comme lui, c’est qu’il est confronté à la mémoire de son arrivée en Angleterre où il a été reçu par ses parents adoptifs. Cette mémoire l’amène dans un autre délire qui le conduira dans les coins cachés de sa mémoire. Il commence à prendre conscience de certains blocs qu’il avait imposé sur lui-même – comme, par exemple, sa complète ignorance de l’Allemagne ou les vertiges qu’il souffrait quand il a essayé de se souvenir de certains mémoires – jusqu’au moment, après beaucoup de pérégrinations, des échecs et des succès, presque par hasard, où à Prague il ne dévoile pas son passé, mais de brèves indications qu’il avaient une place. Les indices de ce qui aurait pu être Jacquot (maintenant le prénom en tchèque) Austerlitz.

Et pendant toute la journée d’Austerlitz, il y a quelques éléments mis en évidence. Le premier élément est peut-être le plus grand mystère qui existe chez Sebald : les photos. Toujours en noir et blanc, sans sous-titre et, parfois, sans rien à voir au récit, c’est notable qu’elles simplement interrompent le récit. En fait, elles ne restent pas à côté du récit (comme une photo qui montre quelque description dans un texte) ou à la fin des paragraphes. Elles sont comme les intrus qui nous volent, nous attirent l’attention et, sans cesse, nous détournent du texte à l’image. Les photos, on peut dire, avec ses interruptions, en dépit d’être en noir et blanc,  elles colorient le récit.

Il y a même des moments où il n’y a pas de photos et pourtant nous pensons que ça serait le moment exact pour les mettre. En plus, dans autres moments, l’auteur met des photos qui nous surprennent grâce à sa position par rapport au texte. Elles sont mises de façon à nous poser la question à propos de la relation entre le texte et la photo, nous nous demandons ce qui est dans sa mémoire (c’est-à-dire, dans le texte) que soulève la nécessité d’une image.

Donc, en face à cet impasse nous sommes obligés d’enquêter encore une fois (avec la photo dans la main) et un de ses effets c’est précisément (peut-être on peut dire maintenant qu’il y a une théorie de la mémoire chez Sebald ?) la sensation de que la mémoire est trop éparpillée pour se limiter à un discours plus ou moins organisé.

Au-delà du récit, elle déborde et fini, donc,  pour prendre la forme de photo, dessins et objets. Les photos, enfin, n’ont pas un rôle de simple illustration (comme l’attendu dans un roman qu’utilise des photos).  Au contraire, elles sont des éléments fondamentaux au projet de mémoire chez Sebald, comme des mémoires ou superposées aux mémoires racontées, en donnant une instabilité au discours narratif, ou comme mémoires qui ne sont pas touchées dans le récit simplement parce que elles ne peuvent pas être écrites, c’est-à-dire, la mémoire est elle-même l’image.

Comme la madeleine qui a provoqué un souvenir à travers le goût (la mémoire est dans le goût !), certaines mémoires, comme j’ai déjà dit, ne se limitent pas au discours, mais elles viennent à nous sous des formes plus primitives, et non organisées, tel que des images, des odeurs, des goûts, etc. Dans le cas d’Austerlitz quelques images ne peuvent pas être réduites à un discours écrit.

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Une autre chose remarquable, mais que je n’ai pas de temps pour en parler, est la profession d’Austerlitz : être un historien de l’architecture n’est pas indifférent. Parmi les souvenirs dans le livre il y a un grand privilège à la lecture des œuvres d’architecture. On va trouver dans la description de la nouvelle Bibliothèque Nationale Française et du fort Breendok les très originelles réflexions sur le temps, la mémoire collective et les ruines. Austerlitz voit ces monuments comme les œuvres d’une pensée qui est destinée à être surmontée et qui laissera comme signe de son existence ces vieux œuvres éloignés de son sens originel.
Et il y a aussi de notable le silence qui entoure le récit. Pendant une bonne partie de ses pèlerinages, que ce soit dans les parcs, les gares, les archives, les cimetières, les bibliothèques, les musées, quel que soit le lieu, ou il est vide ou il y a presque personne. Le livre et les rapports d’Austerlitz se retrouvent constamment entourés par ce sentiment ombreux, comme s’il était juste un fantôme à errer à travers un monde depuis longtemps abandonné.

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Le livre se termine avec un livre, un livre qui répète, ou anticipe, la voie de Jacquot (il n’est plus Jacques) Austerlitz : une recherche de son passé que ne se trouve rien que de la terre brûlée.